Lecture : "Les vestiges du jour"
Dernière mise à jour : 20 févr. 2022
J'avais bien aimé le film de James Ivory "Les vestiges du jour" (1993) pour l’ambiance surannée, la subtilité de relations humaines pleines de non-dits et le charisme des acteurs Anthony Hopkins, Emma Thomson, Edward Fox et Hugh Grant.
Ce film était une adaptation du roman de Kazuo Ishiguro. Je m’étais lancé dans sa lecture et avais rapidement abandonné, à cause du style tout en circonvolutions insupportables.
Près de vingt ans après, j'ai redécouvert ce livre et apprécié sa lecture.

Sans doute faut-il beaucoup de patience et une certaine maturité pour apprécier l'exercice de style que nous propose l'auteur : pénétrer les souvenirs et les pensées que ressasse un majordome, alors qu'il sillonne les routes sinueuses de la campagne anglaise, mais surtout en saisir leur portée universelle.
Honnêtement, l'histoire est ennuyeuse et évoque, en filigrane, une tranche d'histoire et de géographie d’une Angleterre qui n’existe plus.
Le récit est alambiqué, croisant lieux, époques et souvenirs de faits passés éveillés par des rencontres occasionnelles ou des incidents mineurs au cours de ce périple en automobile.
Stevens, le majordome-narrateur radote mentalement et admet mélanger ses souvenirs.

Ses interrogations sur les qualités qui font la grandeur d'un majordome semblent complètement dépassées, et Steven lui-même perçoit le changement de générations, parmi les membres de sa corporation. Tout serait une question de dignité. Au nom de la dignité, le majordome s'émeut de peu de choses ouvertement. Il n'entend abandonner sa posture, qui est plus qu'un métier, presque un sacerdoce, qu'une fois seul. Il s'interdit toute indiscrétion et toute curiosité qui seraient déplacées, jusqu'à nier la réalité par estime et loyauté pour son employeur. Pourtant, ce questionnement si anecdotique, cette préoccupation réservée aux exégètes d’une profession en voie de disparition, amène a évaluer aussi ce qui fait les qualités de l'employeur. Finalement, les pérégrinations mémorielles de Stevens pose la grave question de la responsabilité des choix de chacun dans sa vie et de la capacité à les assumer.

Le style est remarquable car il retranscrit la manière d’être et de penser de ce narrateur si particulier : de caractère rigide et sévère, inapte à badiner, cultivant l'art de s'exprimer avec la plus grande retenue, pointilleux dans le choix des mots, méticuleux dans la retranscription des nuances, tournant autour des mots pour éviter l’indicible, refusant d’exprimer des sentiments d’affection, énonçant des demi-vérités par embarras et laissant s'insinuer des sous-entendus.
Ce roman est un exercice de style littéraire brillant, un récit parfois intéressant quand on aime l’histoire et/ou l’Angleterre, mais pas vraiment exaltant.