La long chemin vers la souveraineté spatiale européenne
Dernière mise à jour : 27 mars 2022
La défense des intérêts nationaux demeurent la plaie de l’avancement des projets européens tels que le GNSS Galileo. Dans le contexte actuel où de nombreuses voix prônent la souveraineté européenne dans de nombreux secteurs économiques et en particulier l'industrie spatiale, certaines initiatives ne manquent d’étonner.
D’après les informations publiées par le magazine Challenges, le constructeur de satellites allemand OHB mène discrètement campagne auprès de la Commission européenne pour que les prochains satellites de la constellation Galileo soient mis en orbite par une fusée américaine, plutôt que par la fusée européenne Ariane 6.
Alors qu’il est actionnaire minoritaire d’Arianespace, le groupe industriel allemand préconise que les six prochains satellites Galileo soient lancés par des fusées Falcon 9 de SpaceX (société d’Elon Musk).
Si cette information était confirmée, quel serait l’intérêt et l’objectif d’OHB ?
Et quel accueil pourrait réserver la Commission européenne à cette proposition ?

La question du lancement des prochains satellites de la constellation Galileo
Cette proposition est une conséquence de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Jusqu’alors, l’Union européenne et l’Agence spatiale européenne avaient tissé des liens de coopération avec l’agence spatiale russe Roscosmos pour envoyer les satellites depuis le pas de tir russe construit à Kourou, en Guyane française.
Depuis 2011, tous les satellites de la constellation Galileo ont été lancés et mis en orbite par la société Arianespace. Elle a utilisé des lanceurs russes Soyouz ou Ariane 5 version ES.
Le lanceur Soyouz devait effectuer les deux prochaines mises en orbite de satellites Galileo, en mars et septembre 2022. Suite aux sanctions européennes prises en mars 2022, les équipes russes de Kourou ont été rapatriées. Le lanceur russe est cloué au sol, le temps de la guerre.
La Commission européenne et l’Agence spatiale européenne cherchent donc une autre solution.
Au nom de la solidarité européenne, la solution la plus évidente serait d’utiliser le nouveau lanceur Ariane 6. Plus puissant, il a déjà été choisi pour trois lancements de satellites Galileo. Arianespace a déjà proposé de prendre en charge les deux créneaux abandonnés par les Russes.
Ariane 6 représente un investissement important et reste une solution attendue sur le marché des lanceurs lourds. Elle n’est pas exclue du schéma de lancement des satellites Galileo.
Le problème est que la nouvelle fusée n’est pas prête. Le tir inaugural est programmé début 2023, alors qu’il était prévu initialement en 2020.
Pourtant ce retard ne justifie pas la recommandation d’OHB de recourir à SpaceX, à court terme.
Il n’y a pas d’urgence à lancer de nouveaux satellites Galileo. Ils doivent être lancés pour pallier d’éventuelles pannes des satellites en activité. La constellation européenne est opérationnelle et compte 2,3 milliards d'utilisateurs dans le monde.
La proposition d'OHB : un coup de canif dans la solidarité européenne ?
OHB est une entreprise familiale implantée à Brême, en Bavière et dirigée par Marco Fuchs.
La famille Fuchs a racheté en 1982 Otto Hydraulik Bremen (OHB), une petite entreprise de réparation marine et l'a transformée en l’un des champions de l’aéronautique allemande spécialisé dans la fabrication de petits satellites géostationnaires et du matériel de recherche scientifique et de télécommunication. Détenue à 70 % par la famille, la PME profite de sa flexibilité et joue la guerre des prix. Elle a ainsi emporté le marché des satellites Galileo, en 2010-2012, face à Astrium (EADS).
Pourquoi la société OHB défend-elle une alternative américaine ? N’est-ce pas faire le jeu de la concurrence, alors qu’elle détient 10 % du capital d’Arianespace ? OHB est le deuxième partenaire industriel du programme Ariane 6, derrière le franco-allemand ArianeGroup, maître d’œuvre de la fusée européenne. Sa filiale MT Aerospace, implantée à Augsbourg, en Bavière, conçoit des éléments du futur lanceur européen.
Ce n’est pas la première fois qu’OHB opte pour des prestataires américains. En 2013, la société OHB avait déjà chargé Space X de la mise en orbite de satellites militaires allemands.
En outre, il semblerait que l’entreprise allemande espère pouvoir lancer el