
Le premier techno-thriller consacré au projet européen de géo-positionnement par satellites, le GNSS Galileo est inspiré de faits réels. Néanmoins, l'auteur a pris quelques libertés et les événements ont été un peu malmenés et dramatisés.
Pour permettre au lecteur de distinguer le vrai du faux, voici des informations générales fiables sur le projet européen.

Qu'est-ce que Galileo ?
Le GNSS Galileo est le programme européen de navigation et de positionnement par satellites, initié par le Conseil européen en 1994 et développé conjointement par la Commission européenne et l'Agence spatiale européenne (ESA). De nombreux laboratoires universitaires et des entreprises du secteur aérospatial ont été associés, ainsi que plusieurs pays non membres de l'ESA.
L'Union européenne (UE) entendait se doter d'une technologie civile, indépendante et concurrente, mais compatible avec les systèmes américain GPS et russe GLONASS, d’origine militaire.
L'Union européenne (représentée par les Etats membres et la Commission européenne) et l'Agence spatiale européenne ont créé, en juillet 2003, une entreprise commune, Galileo Joint Undertaking (GJU), pour définir le programme et attribuer à un consortium d'entreprises un contrat de 20 ans pour construire et exploiter la constellation de satellites.
La GJU a été remplacée par l'agence GSA en 2007. Elle-même est devenue l'EUSPA en 2021.
Initialement, le coût du programme est estimé entre 3 et 4 milliards d'euros. Les frais d'exploitation annuels sont évalués à 250 millions d'euros.
Des accords de coopération ont été signés avec notamment la Chine, l'Inde, Israël, l'Ukraine pour partager les coûts et promouvoir l'usage de Galileo.

Comment fonctionne Galileo ?
La radionavigation par satellites révolutionne les méthodes ancestrales pour se repérer sur terre ou en mer. Elle résulte de l’émission en orbite de signaux indiquant une heure d’une extrême précision. Au sol, un récepteur captant les signaux émis par plusieurs satellites coordonnés peut alors déterminer, très précisément, sa position en longitude, latitude et altitude.
La constellation Galileo est constituée de 30 satellites (27 actifs et 3 redondants, en cas de panne) d’environ 700 kg chacun, placés sur trois orbites circulaires d’altitude moyenne (24 000 Km). Ils sont dotés d'horloges atomiques extrêmement précises. Des stations au sol de centres de contrôle gèrent l'orbite et la sécurité du système. L'interopérabilité entre composantes Galileo et éléments extérieurs favorise la conception d'applications combinant services Galileo et d'autres systèmes (par ex. ceux de navigation comme le GPS américain ou de communication).
.jpg)
Quels services pour quels usages ?
Le GNSS Galileo fournit des services de positionnement, de navigation et de chronométrage de grande précision dans le monde entier et sous contrôle des autorités civiles.
Il propose quatre services de navigation de qualité distincte : un service de base ouvert et gratuit pour les utilisateurs ; un service commercial plus performant et payant ; un service dit « vital » d’une fiabilité à toute épreuve, car des vies humaines en dépendraient ; un service de recherche et sauvetage, ainsi qu’un « service public réglementé », dit PRS, sécurisé et crypté, réservé aux autorités gouvernementales.
Grâce à cette architecture, Galileo peut servir à des usages divers, dans de nombreux secteurs d’activité tels que le transport (recherche d’itinéraire, localisation de véhicules, contrôle de la vitesse, systèmes de guidage, etc.), les services sociaux (assistance aux handicapés ou aux personnes âgées), la justice, les douanes, les travaux publics (systèmes d'information géographique), les transactions interbancaires, le sauvetage de personnes en détresse, les loisirs, etc.
Beaucoup d’applications restent à inventer.

Quels sont les autres GNSS ?
Le GPS a été conçu par et pour l’armée américaine, dans les années 1980. Il couvre une grande partie de la planète avec des signaux d'une précision inédite. Il permet notamment de guider un missile ou de connaître avec exactitude la position d’unités sur un champ de bataille. Fin 1993, le président américain Bill Clinton a décidé d'autoriser l'accès gratuit aux utilisateurs civils, avec une précision satisfaisante pour des usages courants (conduite automobile…) mais sans garantie de qualité.
La constellation GPS compte 30 satellites qui sont renouvelés et modernisés régulièrement.
Le système russe GLONASS a été développé entre 1976 et 1982. Après la chute de l’Union soviétique, son opérabilité s’est dégradée compte tenu des conditions politiques et économiques. En 2002, la Russie a entrepris de le remettre à niveau. Il est utilisable sur des applications civiles depuis 2011.
Après avoir développé une version régionale, expérimentale, avec des fonctionnalités limitées, (Beidou-1) la Chine a profité de sa coopération avec l'Union européenne pour créer Beidou-2 ou Compass, un système qui comptera 35 satellites pour garantir une couverture mondiale et des performances comparables aux autres systèmes GPS, GLONASS et Galileo.
L'Inde a signé des accords de coopération avec la Russie pour déployer son IRNSS (Indian Regional Navigational Satellite System) qui doit couvrir le sous-continent indien, avec une précision de 20 mètres.

Quel intérêt pour l'Europe ?
L'Union européenne voulait son propre GNSS pour plusieurs raisons :
1) Donner une impulsion politique et encourager les industries et services à s'approprier et développer cette technologie de pointe ;
2) Assurer l’indépendance de l’Europe dans la maîtrise de cette technologie, une fois qu'elle deviendrait essentielle à l'activité économique, alors que les Etats-Unis peuvent modifier, à leur guise, la qualité du signal GPS ;
3) Contribuer à l'amélioration de la performance des systèmes existants ;
4) Optimiser la circulation des biens et des personnes, qui est un des piliers du marché commun européen : dès 2001, Galileo est inscrit parmi les projets prioritaires du réseau transeuropéen des transports ;
5) Profiter des retombées économiques et industrielles liées au marché de la navigation par satellites : installations terrestres et composants de la constellation Galileo, récepteurs et applications pour exploiter les signaux, mais également nouvelles prestations de services pour les entreprises et les particuliers. Une étude estimait à plus de 300 milliards d'euros de revenus mondiaux provenant de la vente de produits. Les entreprises européennes peuvent espérer capter 30 % de ce marché mondial et créer des emplois qualifiés.
6) Actionner un levier de progrès : de nombreux secteurs de l'économie européenne reposent sur une localisation précise. Aujourd'hui, la Commission européenne estime que 7% de l'économie de l'UE dépend de la disponibilité des signaux de navigation mondiaux par satellite. Cela inclut les transports, la logistique, les télécommunications et l’énergie. Le marché des services de navigation par satellites est en croissance constante et devrait représenter 250 milliards d'euros par an d'ici 2022.
Quelles sont les missions de l'EUSPA ?
Depuis mai 2021, l'agence européenne GNSS (GSA) a été remplacée par l'EUSPA, l’Agence de l'Union européenne pour le programme spatial, avec un mandat élargi et de nouvelles responsabilités.
L'EUSPA a des responsabilités accrues dans la gestion de l'exploitation et la sécurité opérationnelle de Galileo et d'EGNOS. En outre, le nouveau mandat de l’Agence s’étend à la coordination des utilisateurs de GOVSATCOM et à la promotion des services commerciaux de Copernicus. Elle encourage le développement d’applications utilisant Galileo, EGNOS et Copernicus.
L'Agence est responsable de l'homologation de sécurité de toutes les composantes du programme spatial de l'UE.
La mission à l'EUSPA prolonge celle de la GSA. Son objectif reste de lier les investissements de l’Union européenne consacrés aux programmes spatiaux aux besoins des Européens et des utilisateurs du monde entier. Il s’agit en particulier de fournir des services GNSS performants et robustes sur lesquels les utilisateurs peuvent compter.
L'EUSPA encourage le développement d'applications et de services pour EGNOS et Galileo. Elle gère les fonds européens qui soutiennent la recherche et l'innovation dans ce domaine. Elle promeut les usages et effectue des études prospectives de marché.
L'EUSPA ambitionne de favoriser les synergies entre la navigation, l'observation de la Terre et les télécommunications sécurisées, afin de fournir des services et applications spatiaux dont l'Europe a besoin pour faire face aux défis de l'avenir. Elle garantit que les programme spatiaux soient respectueux des priorités politiques de l'UE en faveur de l’environnement, de la numérisation de l'économie européenne et de l’affirmation diplomatique de l’Europe.

Qui exploite GNSS Galileo ?
Le roman GNSS Galileo relate l’abandon, en 2007, de l’idée de confier à un consortium d’entreprises la construction et l’exploitation de la constellation, dans le cadre d’un partenariat public-privé de 20 ans. L’Agence Spatiale Européenne (ESA) était alors chargée de mettre en orbite la constellation des 30 satellites.
Il restait ensuite confier au secteur privé l’exploitation du système.
En 2010, l’ESA a signé un contrat avec Spaceopal. Cette entreprise italo-allemande a été chargée de l'exploitation et la maintenance du système de satellites Galileo. Le contrat prévoit un niveau de performance garanti, en particulier, sur les opérations et le contrôle du système, sur la logistique et la maintenance des systèmes et de l'infrastructure ainsi que sur les services d'assistance aux utilisateurs. Spaceopal doit notamment surveiller la performance du système à partir de deux centres de contrôle de mission, situés en Allemagne et en Italie, et le Centre européen GNSS (GSC) pour les services de soutien aux utilisateurs en Espagne. Ce contrat de gestion des infrastructures spatiales et terrestres de la constellation a été renouvelé en décembre 2016, pour une durée de 10 ans, et pour un montant de 1,5 Md€.

L'attaque contre Giove-A, c'est vrai ?
Le premier satellite de la future constellation Galileo, baptisé Giove-A, a été mis sur orbite par un lanceur Soyouz depuis le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, le 28 décembre 2005.
Dans le roman GNSS Galileo, Stéphane Crolard a dramatisé la séquence de préparation de Giove-A en inventant une attaque terroriste.
Lire un extrait gratuit du roman. Séquence à Baïkonour (chapitre 23).
En réalité, seule une anomalie sur le réseau de stations sol (et non sur le satellite Giove-A ou sur la base de Baïkonour) a été constatée lors des vérifications préalables au lancement. La résolution du problème et les nouvelles validations ont retardé le lancement initialement prévu le 26 décembre.
Avec Giove-A, le programme Galileo entrait dans sa phase de développement et de validation en orbite. La mission Giove (acronyme de Galileo In-Orbit Validation Element) devait disposer des deux satellites Giove-A et Giove-B, ainsi que d’installations au sol pour contrôler la bonne réalisation de la mission.
Giove-A a pleinement fonctionné et émis un premier signal le 12 janvier 2006. Ce signal a permis, d’une part, d’occuper les fréquences qui avait été attribuées à Galileo par l’Union Internationale des Télécommunications, et d’autre part, de tester les technologies innovantes indispensables à la qualité supérieure du signal Galileo (horloges atomiques embarquées, générateur de signal et récepteurs au sol).
Giove-B n’a été lancé que le 27 avril 2008, plus tardivement que prévu.
Au terme de la mission Giove, devait suivre la phase de déploiement complet et d’exploitation. Mais ce fut une autre histoire !